Bouchra Marmoul , sabots aiguilles

COURSES HIPPIQUES

Femme de ménage puis femme d’écurie, Bouchra marmoul est aujourd’hui la première femme-jockey du Royaume. La doukkalie a même remporte une épreuve mondiale, à Varsovie, avant l’été...

Désormais, elle remplit les papiers administratifs ou les fiches d’immigration, aux aéroports, avec un plaisir non feint. A la rubrique profession, elle écrit : jockey. Forcément, ça attise la curiosité de ses interlocuteurs. C’est que Bouchra Marmoul est la première femme-jockey professionnelle, au Maroc !

Et si elle est devenue spécialiste des courses sur plat, elle n’a pas moins dû sauter de nombreux obstacles pour épouser la carrière. On citera pêle-même le sexisme de la profession, les blessures physiques, le frein familial, la barrière sociale, le défi sportif, le choc culturel... «Avoir affronté toutes ces difficultés est sans doute ma plus belle victoire» confie Bouchra.

Dire que rien ne la prédestinait à pareil job est un euphémisme. Celle qui a désormais les lignes d’arrivées comme horizon a passé une enfance sans perspective. Rachid, le papa, est menuisier quand Saida, la maman, est femme au foyer. Rachid se bat pour élever ses deux filles et ses quatre garçons. Bouchra est scolarisée à l’école primaire Bahbha située dans le village El Ghorba, près d’El Jadida où elle est née au printemps 1991.

Le déménagement de la famille l’éloigne de l’école secondaire. Faute de moyens de transports, il faut marcher plusieurs kilomètres, quatre fois par jour, pour étudier. Elle ne rêve pas encore de galoper mais d’un vélo pour rouler. Il ne viendra pas. Elle jette l’éponge, à 13 ans, et se déscolarise. Son rêve de devenir vétérinaire, pour assouvir sa passion des animaux, s’envole. Il lui semblait plus utile d’aider Saida, à la maison. «Mes parents ne m’ont rien demandé, j’ai toujours pris mes décisions seule» avoue-t-elle.

Elle devient employée de maison chez les amis de la famille. L’adolescence file, à Douar Gharbia, où elle grandit, juste derrière l’hippodrome Lalla Malika. Un douar qui a vu naître une kyrielle de jockeys, qui ont peuplé les écuries du Royaume, à l’instar de Saïd Madihi. «El Jadida, c’est un peu la Normandie française» dit Bouchra. «J’ai grandi dans cette ambiance de chevaux et de courses qui ont lieu, chaque mercredi, à l’hippodrome Lalla Malika. Je les regardais passer. Mon souhait, c’était de les caresser, même pas de les monter.»

Celle qu’il faut désormais appeler Bouchra Marmoul-Vaugeois s’est donnée les moyens de ses ambitions. Elle s’est entraînée en montant trois chevaux le matin, avant de s’occuper de leur entretien l’après-midi. Surtout, elle a appellé la SOREC (Société Royale d’Encouragement du Cheval) pour devenir jockey. La réponse est polie mais pas celle espérée.

On l’invite à envoyer un courrier. Elle l’adresse à Omar Skalli, le directeur général. Non seulement, c’est le boss mais il possède, également, une ouverture d’esprit et une vision novatrice de l’évolution de la filière équine. «J’ai toujours pensé qu’il était dommage que le Maroc ne possède pas de jockeys féminines» dit Omar Skalli. «Et Lara Sawaya qui organise, chaque année, à Casablanca, une étape de l’épreuve Sheikha Fatima Bint Moubarak Ladies World Championship, me l’a souvent rappelé...»

Bonne pioche pour Bouchra. Quelques jours plus tard, elle est convoquée, à l’ancien siège de la SOREC, à Rabat, dans le Haut-Agdal. Le test passé avec le responsable technique des courses est une formalité. Elle obtient sa licence, en février 2014 et entre dans l’histoire. «Deux hommes ont changé ma vie, Christian, mon mari, et Omar Skalli qui a rendu mon rêve réalité, je leur dois une reconnaissance totale» dit Bouchra.

BOUCHRA: «DEUX HOMMES ONT CHANGE MA VIE, CHRISTIAN, MON MARI, ET OMAR SKALLI QUI A RENDU MON REVE REALITE, JE LEUR DOIS UNE GRANDE RECONNAISSANCE.»

Les jockeys ne tarderont pas à la lui accorder, aussi. Dès sa première course de pur-sang arabes, à l’hippodrome Souissi, à Rabat, elle surprend son monde en s’offrant une sixième place sur douze partants. «Ma première jument de course s’appelait Lalla Saïda, je m’en souviendrai toute ma vie» dit Bouchra. Elle oubliera vite son échec dans sa deuxième course, à Casablanca. D’ailleurs, la SOREC n’hésite pas à l’engager au départ de la manche marocaine de l’épreuve Sheikha Fatima Bint Moubarak Ladies World Championship où 13 filles de 52 pays se disputent le titre mondial. «Quand j’ai vu les filles seller, monter leur cheval, je n’ai pas été impressionnée...» confie-t-elle.

Elle aurait eu tort de l’être. Malgré le stress de l’événement, elle s’adjuge une étonnante troisième place. «Il faut savoir que la Sud-coréenne Keumjoo Lee, qui s’est imposée, comptait 300 victoires à son palmarès, et sa dauphine, l’Allemande Tamar Hofer, 150.» A Londres, en avril 2014, lors de l’épreuve suivante, elle fait son baptème de l’air. Elle quitte le Maroc pour la première fois, découvre un autre pays, fait un peu de tourisme et monte à nouveau sur la troisième marche du podium, sur l’hippodrome de Newbury.

C’est suffisant pour obtenir une invitation pour participer à la finale, à Abou Dhabi, en novembre dernier. La chance s’arrête au tirage au sort. Elle hérite d’un cheval très difficile. «Je suis sortie des boîtes en quatrième position, et j’ai gardé cette place jusqu’au bout» explique Bouchra, pas peu fière du chemin parcouru.

La progression de la Doukkalie n’a pas de limites. Montant le cheval Wasilew, elle s’est imposée, au mois de mai, à Varsovie, lors de la manche polonaise de la Sheikha Fatima Bint Moubarak Ladies World Championship. Du coup, Bouchra va, encore, représenter le Maroc à la finale du Mondial qui aura lieu au mois de novembre prochain à Abou Dhabi. «Le lieu sera le même mais mes ambitions seront différentes» glisse Bouchra.

La jeune championne qui n’oublie pas d’être une jeune femme de son époque aurait tort de ne pas voir la vie en lettres majuscules. Une semaine après son sacre polonais, elle a réalisé un petit exploit sur un 1900m, à Casablanca-Anfa. Elle a dompté Hyssorova, sa jument réputée coriace. Elle a surtout résisté à un faux-départ. «J’ai été la première à réussir à m’arrêter, ce qui m’a permis d’économiser ma jument et prendre un belle quatrième place» précise Bouchra.

Autant de résulats probants devraient finir par convaincre les écuries marocaines de lui faire confiance. C’est son grand combat. C’est aussi celui de la SOREC qui va lui offrir un stage. «Je remercie Zakaria Lofti, Stéphanie des écuries Laraki et Tarik de l’écurie Zargane qui m’ont donné ma chance et des conseils» dit Bouchra. «J’ai gagné en confiance, en expérience, en force, en souplesse. Et je ne rêve que d’avoir l’occasion de le prouver. Pour l’instant, ce métier a changé ma vie, il m’a ouvert sur le monde mais il ne me permet pas encore de payer mes factures.»

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Placé comme un supplément à la fin du magazine Clin d’œil, le magazine Cheval du Maroc est un rendez-vous incontournable pour les amoureux du cheval et permet, aux non initiés de découvrir la filière équine aux multiples facettes. Il participe, également, à la création d’un lien social entre les différents intervenants du monde du cheval au Royaume. Entre les courses hippiques, le développement du cheval barbe, l’utilisation traditionnelle et moderne du cheval, l’élevage équin, le Salon du Cheval d’El Jadida, le sport équestre, les métiers du cheval ou les cartes postales du cavalier marocain Kebir Ouaddar, les intérêts de lecture ne manquent pas. 

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