Marcel Rozier: Kebir Ouaddar peut remporter les JO de Rio

SPORTS ÉQUESTRES

Au crépuscule de son immense carrière, l’entraîneur emblématique marcel rozier vit une aventure unique aux côtés de l’étoile filante de l’équitation marocaine, abdelkebir ouaddar. Et prend Rendez-vous, à Rio, pour les JEUX?OLYMPIQUES... quarante ans après  sa médaille d'or aux JO de Montréal.

 

Quand on a contacté Marcel Rozier, il préparait le départ de  Quickly de Kreisker et de ses autres chevaux, en direction du Maroc, dans l’optique des trois étapes du Morocco Royal Tour. Marcel Rozier est un homme occuppé. Et cela fait cinquante ans que ça dure. Champion olympique de sauts d’obstacles par équipe, en 1976, aux JO de Montréal, médaillé d’argent dans la même épreuve, aux Jeux Olympiques de Mexico, Marcel Rozier a également entraîné l’équipe de France d’équitation et notamment un des couples mythiques du sport français, Pierre Durand et sa monture, Jappeloup.

Disponible, bienveillant, courtois, Marcel Rozier nous a donné rendez-vous, le lendemain matin. Il a l’élégance aussi immense que le palmarès auquel il espère ajouter quelques lignes depuis qu’il veille à la destinée sportive de l’étoile marocaine de l’équitation, Abdelkebir Ouaddar et de son étalon unique,  Quickly de Kreisker. Douzième pour sa première participation en Coupe du Monde FEI de sauts d'obstacles et de dressage, au printemps dernier, à Lyon, et surtout treizième lors des Jeux Équestres Mondiaux, à Caen, Abdelkebir Ouaddar n’en finit pas de monter dans la hiérarchie des stars de l’équitation mondiale. Atterrissage programmé cet été, à Rio, pour les JO....

 

Cheval du Maroc.- Dans quelles circonstances avez-vous fait la connaissance d’Abdelkebir Ouaddar?

Marcel Rozier.- En 2010, le Prince Moulay Abdellah Alaoui m’a demandé des conseils pour organiser le concours du Salon du Cheval d’El Jadida et motiver les Européens à participer à cet événement. C’est donc lors de la troisième édition du Salon que j’ai fait la connaissance d’Abdelkebir Ouaddar. Ce jour-là, j’ai découvert un cavalier doué, adroit et déterminé. Sa Majesté le Roi Mohammed VI a alors manifesté le désir que je m’occupe d’Abdelkebir Ouaddar et que je lui trouve un cheval en adéquation avec son talent.

 

Vous avez rapidement jeté votre dévolu sur Quickly de Kreisker...

Non, au départ, j’avais choisi Porche du Fruitier que j’ai déniché chez Hubert Alamartine, un éleveur de l’Allier. Et je ne m’étais pas trop trompé car Abdelkebir Ouaddar a créé la surprise, en 2012, au Global Champions Tour de Monaco où il a pris la troisième place sur Porche du Fruitier. Ce n’est qu’à la fin de l’année de 2012 que j’ai eu l’opportunité d’acquérir Quickly de Kreisker à son cavalier, Benjamin Robert.

Cette compétition, à Monaco, signe vraiment l’entrée d’Abdelkebir Ouaddar dans le grand bain de l’équitation mondiale...

Abdelkebir Ouaddar a fait preuve de talent et de culot. Surtout, il a prouvé qu’il avait un mental en acier trempé qui est le dénominateur commun des grands champions. Ce podium, à Monaco, a assurément donné un vrai élan à l’équitation marocaine.

Comment jugez-vous la progression d’Abdelkebir Ouaddar?

Quand j’ai rencontré Kebir, il ne progressait plus car il participait à des épreuves de niveau moyen. Il était trop supérieur à la concurrence. Le confronter à l’élite mondiale lui a donné de l’expérience et le chemin à suivre pour arriver tout en haut.

Comment se passe votre relation ?

Ma rencontre avec Kebir est unique. Entraîner ce sportif est, sans doute, le dernier grand défi de ma carrière. Je le considère comme mon fils. Et la relation est encore plus forte. Avec ses enfants, on n’arrive pas toujours à exprimer ses sentiments, à donner des conseils. Avec Kebir, j’arrive à tout dire, à être moi-même. C’est un vrai plaisir. Bien sûr, tout ne fut pas facile. On a dû s’adapter mutuellement à la culture de l’autre. Au début, j’ai été assez sévère avec lui. Je lui ai appris les notions de rigueur et de travail indispensables pour devenir un grand champion. On ne peut pas être un sportif de haut niveau en arrivant à l’entraînement en trainant les pieds ou en ne respectant pas les horaires. Aujourd’hui, Kebir est un grand professionnel. Quand il rentre se reposer, au?Maroc, je dors désormais sur mes deux oreilles. Ce n’était pas le cas avant. Il en est de même pour l’entretien des chevaux. Il est désormais exceptionnel. Il ne faut pas oublier qu’il faut parfois un an pour retaper un cheval mais il faut deux ou trois secondes pour le détruire. le monde du cheval est impitoyable.

Abdelkebir Ouaddar peut-il remporter une médaille olympique, à Rio, en 2016?

Il peut même remporter le titre olympique. La défaite ou la seconde place ne s’invite pas dans l’esprit de Kebir. C’est un gagneur. J’ai le cheval pour gagner. j’ai le cavalier pour gagner. Alors, tous les espoirs sont permis. D’ailleurs, je tiens à remercier Sa majesté le Roi Mohammed VI pour la confiance qu’il m’accorde pour la gestion de Kebir dans l’optique des Jeux Olympiques. Depuis trois ans, on parle du Maroc dans tous les grands concours, et ça me rend très fier. Aujourd’hui, le Maroc devance des pays comme le Qatar ou les Emirats Arabes

 

Le couple Quickly de Kreisker-Abdelkebir Ouaddar sera-t-il arrivé à maturité pour les JO de Rio?

Je vais vous faire une confidence. Abdelkebir Ouaddar a mis beaucoup moins de temps à apprivoiser Quickly de Kreisker que Pierre Durand n’en avait mis pour s’habituer à Jappeloup. Aujourd’hui, Quickly de Kreisker est le meilleur cheval au monde. C’est le plus  régulier. Et avec Kebir, il se sont trouvés rapidement. Ils forment le couple parfait dont la maturité sera atteinte en 2016 après une longue année de travail, en 2015. Je suis dans ma dernière ligne droite comme entraîneur et Kebir est dans sa dernière ligne droite comme cavalier. Nos rêves sont forcément géants. On gagne aujourd’hui, on tombe demain. Pour gagner, il faut savoir perdre. Avec Kebir, on a le cuir tanné.

Quel est votre plan pour mener Kebir, aux JO de Rio, dans les meilleures conditions?

L’objectif, c’est de marquer des points indispensables à la qualification pour les JO avec Quickly de Kreisker sans le mettre dans le rouge.?Il y a donc un équilibre délicat à trouver. C’est d’autant plus compliqué que Quickly a parfois du mal à relancer la machine quand on le laisse trop au repos.  Il ne faut pas faire le concours de trop. En fait, c’est Quickly lui-même qui commande. Sa condition physique parle pour lui. C’est dans cet esprit que nous avons fait l’acquisition de Saphir du Talus. C’est un nouveau cheval qui n’a pas de métier mais des gros moyens. Peut-être sera-t-il capable, un jour de prendre la relève de Quickly. L’avenir le dira...

 

Dans quelles conditions se présente Quickly avant la tournée hivernale?

Il fait beaucoup de plat, de balades en forêt. Il est vraiment réoxygéné.?Après les épreuves marocaines de Tétouan, Rabat et El Jadida, nous allons essayer de participer aux épreuves cinq étoiles de Lyon, Madrid, Paris; Genève et Doha. Voilà le meilleur programme pour finir l’année.

 

Qu’est-ce qui pourrait empêcher Kebir Ouaddar et son cheval Quickly de participer aux prochains JO, à Rio?

Malgré la concurrence venue de l’Egypte et du Qatar, on paraît maître de notre destin. Nous sommes en tête du classement de la Ligue Arabe et nous avons l’intention de le rester jusqu’au printemps. Mais tout peut arriver: une glissade sur goudron, une mauvaise réception, une erreur du palefrenier.... Un cheval est plus fragile que la porcelaine. C’est pourquoi il faut être vigilant sur chaque détail: le nourrir à heure fixe, multiplier les soins, développer la récupération. Voilà ma méthode...

Cette méthode a permis à Kebir Ouaddar d’entrer dans la cour des grands...

Il y a forcément un secret (rires). Mais je ne revendique rien. Je ne vends pas ma soupe. C’est lié à mon éducation. Je suis quelqu’un de très simple. Notre succès est celui d’une équipe. Même si la trajectoire de Kebir, inconnu il y a quatre ans et dans le top 20 mondial aujourd’hui, est incroyable. C’est même un exemple assez unique dans l’histoire de l’équitation mondiale. C’est un des plus gros plaisirs de ma carrière. Nous vivons des moments uniques avec le cavalier, le cheval et l’entourage. Et l’histoire n’est pas finie... Elle pourrait même durer très longtemps si on arrivait à former un autre cavalier qui possède un don, un vrai talent. C’est d’autant plus urgent que la Fédération Royale Marocaine des Sports Équestres pose des bases solides pour les années à venir.

Le Prince Moulay Abdellah a vraiment transformé la Fédération Royale Marocaine des Sports Équestres...

Désormais, le Maroc possède des structures fédérales formidables. La Fédération Royale Marocaine des Sports Équestres mène une politique très intelligente d’acquisition de jeunes chevaux. Quand on achète des chevaux de 3 ans, l’investissement financier est moins risqué et on peut modeler le cheval. Les résultats commencent à porter leurs fruits. Vilkano de Fétan, qui appartient au haras royal, a récemment remporté, à Fontainebleau, le championnat de France des chevaux âgés de 6 ans. C’est le cas aussi de Bacarat de Ste Hermelle qui sera le troisième cheval de Kebir lors du Morocco Royal Tour après Quickly et Saphir du Talus. Acheté il y a deux ans, par le haras royal, lors des ventes Fences, le cheval qui est âgé de 5 ans n’a cessé de progresser. C’est la première fois qu’il participera à une compétition hors de France. C’est peut-être le futur crack de demain.

On peut espérer que le Maroc obtienne sa qualification, par équipes, pour les JO de Tokyo, en 2020...

C’est un objectif exaltant et réalisable qui serait le résultat d’une politique ô combien pertinente. Kebir Ouaddar est un modèle pour tous les cavaliers marocains. Il a joué la première note. Aux autres d’écrire le reste de la partition.

 

Vous entretenez un lien très fort et très ancien avec le Maroc. Pouvez-vous nous en parler?

Feu sa Majesté le Roi Hassan II m’avait fait l’honneur d’une promenade de 45 minutes dans ses haras, à Rabat, à mon retour des Jeux Olympiques de Montréal, à l’automne 1976. Sa majesté le Roi Mohammed VI et son frère le Prince Moulay Rachid nous accompagnaient lors de cette balade. Hassan II était un homme de cheval. Il avait une belle équitation, très propre. C’était un passionné de cheval qui a transmis le virus à toute sa famille. J’ai beaucoup de respect pour la famille royale et pour les Marocains, en général. J’aime les gens qui aiment les chevaux et les Marocains aiment les chevaux. J’ai rencontré beaucoup de grands champions mais ils n’étaient pas tous autant attachés à leur cheval que Kebir. Il douche son cheval, il le brosse. Il nettoie les écuries. On ne lui demande pas tout ça. Mais il le fait par amour.

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Placé comme un supplément à la fin du magazine Clin d’œil, le magazine Cheval du Maroc est un rendez-vous incontournable pour les amoureux du cheval et permet, aux non initiés de découvrir la filière équine aux multiples facettes. Il participe, également, à la création d’un lien social entre les différents intervenants du monde du cheval au Royaume. Entre les courses hippiques, le développement du cheval barbe, l’utilisation traditionnelle et moderne du cheval, l’élevage équin, le Salon du Cheval d’El Jadida, le sport équestre, les métiers du cheval ou les cartes postales du cavalier marocain Kebir Ouaddar, les intérêts de lecture ne manquent pas. 

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