Abdeslam Bennani Smires se fait un prénom

SPORTS ÉQUESTRES

Abdeslam Bennani Smires sera une des grandes attractions de la finale du Morocco Royal Tour qui se déroulera à El Jadida (15-18 octobre) dans le cadre du Salon du Cheval. Issu d'une famille reconnue et respectée dans le monde des affaires, il a réussi à se frayer un chemin dans le cercle fermé de l'équitation mondiale. «Il a les qualités pour être dans les meilleurs mondiaux. Il a une force mentale exceptionnelle qui lui permet d’être très régulier dans les grandes compétitions» dit Marcel Rozier. Retour sur une trajectoire étonnante avec un garçon bien né et bien élevé.

Abdeslam Bennani Smirès est un homme occupé. Entre son hôtel, le Selman Marrakech, Holinco, la holding familiale qu’il a intégré, la rentrée des classes d’Ameer, son amour de fils (4 ans), et les stages de l’équipe nationale du Maroc de sauts d’obstacles, il compte son temps libre comme on compte ses derniers dirhams, à la fin des vacances. Quand on lui a proposé de déjeuner pour prendre langue au sujet du cheval au Maroc, il a fait le ménage dans son emploi du temps avec une diligence qui trahit une passion... Pas seulement parce qu’il porte la politesse comme une élégance et une éducation.

On peut même parler d’amour, de relation charnelle. D’ailleurs, cet été, il n’a pas hésité à déclarer sa flamme, sur facebook, à.. son cheval, Mowgli des Plains, au lendemain de son titre de vice-champion du Maroc de sauts d’obstacles. Il n’a pas chipoté à l’instant de s’éloigner deux années du Selman Marrakech pour se consacrer exclusivement à son sport malgré la désapprobation familiale.

Pourtant, dire qu’Abdeslam, né à Casablanca, en 1983, est tombé dans la marmite tout petit serait, sinon une contre-vérité, au moins une exagération inutile. C’est en lui offrant un cheval en plastique que ses parents - Najat et Abderrahmane - ont involontairement nourri la future addiction. «C’était mon doudou, il ne fallait me le retirer pour rien au monde» se souvient Abdeslam. «Et dès que je voyais une calèche, à Marrakech, je perdais la raison. Il fallait absolument que je caresse les chevaux. C’était une attirance instinctive.»

Et si les parents ne poussent pas le petit Abdeslam dans les écuries, ils finissent pas céder à ses demandes incessantes. Et l’accompagnent, chez Solange et Mohammed El Yassini, à La Ferme Équestre dar Bouazza. A l’époque, elle ne se trouvait pas exactement à Dar Bouazza mais à proximité du futur Morocco Mall. Abdeslam a cinq ans quand il commence à monter lors d’initiations loisirs.

Il monte ses gammes du trot au galop. «Mes parents étaient effrayés» se souvient-il. «Ils ont tout essayé pour que je mette un terme à cette expérience à nulle autre pareille. J’ai une attitude très différente avec mon fils, Amir. Je le mets au contact des chevaux. Mais je ne le pousse pas.» Rien d’étonnant qu’il monte déjà, à poney. Rien d’étonnant, non plus, qu’Abdeslam n’ait pas cédé aux appréhensions familiales. Loin s’en faut ! Au contraire, à l’âge de 9 ans, il prend la direction de l’Ancienne route d’El Jadida et du club l’Etrier de Casablanca.

Naturellement, il intègre son école d’équitation, EquiMajic. «C’est à ce moment que je suis tombé amoureux du saut d’obstacles» confie-t-il. «Et ce sentiment ne m’a plus quitté jusqu’à aujourd’hui. Le Club de l’Etrier occupe une grande place dans mon cœur et dans mes souvenirs d’enfance. Ce sport et ce club ont été mon grand équilibre dans la vie.»

En 2001, c’est même l’équilibre parfait. «A la surprise, générale, et en premier lieu à la mienne, j’ai obtenu mon bac, à Lyautey avec mention très bien» précise Abdeslam. «Et la même année, j’ai été sacré champion du Maroc juniors de sauts d’obstacles.» N’empêche, l’équilibre ne tarde pas à être rompu. Et la balance penche pour la première fois de l’autre côté. Celui de la Suisse où Abdeslam sort diplômé de l’Ecole Hôtelière de Lausanne après quatre années d’études.

Quatre années loin des écuries, loin du bruit des sabots, des barrières qui tombent. «Pendant quatre ans, je ne suis pas monté une seule fois sur un cheval» confirme Abdeslam. «J’ai écouté mes parents qui m’ont demandé de privilégier mes études, mon avenir. Je ne voulais pas leur causer de soucis, créer un conflit. J’ai eu la chance d’avoir une enfance heureuse, paisible au sein d’une famille extraordinaire. C’était le moment de rendre un peu à mes parents...»

Quand il rentre à Casablanca, diplôme en poche, au crépuscule de l’année 2004, il passe par le club l’Etrier avant de regagner le domicile familial. On exagère à peine... «J’ai repris tout de suite» avoue Abdeslam. «Pendant trois années, j’en ai bavé. Je n’ai jamais possédé beaucoup de bases techniques. J’ai souvent monté à l’instinct. Après une telle interruption, cette assise technique m’a cruellement fait défaut.» Jamais ô grand jamais, Abdeslam n’a eu envie de tout plaquer et de se concentrer sur le projet du Selman dont il assume la paternité de la signature autour de l’élevage de pur-sang arabes «malgré les réticences de mon père et surtout les avis négatifs de consultants en hôtellerie qui ne comprenaient pas grand chose.»

Abdeslam s’accroche. «Les mauvaises performances me motivaient encore davantage» confie-t-il. «A l’époque, il n’y avait pas d’instructeurs qualifiés, au?Maroc. Il fallait s’entraîner seul. Ça rendait le défi encore plus vertigineux. Heureusement, j’ai eu la chance de pouvoir acheter un cheval magnifique, Lorenzo. C’est lui qui m’a remis en selle.»

Ça tombe bien. C’est le bon moment. Le Maroc est débarrassé du virus de la peste équine qui avait isolé ses cavaliers. «A force de se battre les uns contre les autres dans des concours locaux à cause du blocage sanitaire, les cavaliers marocains avaient fini par stagner» dit Abdeslam. «D’ailleurs, nous commençons seulement à relever la tête et à devenir une grande nation équestre».

Surtout, le travail énorme entrepris par le Prince Moulay Abdellah, à la tête de la Fédération Royale Marocaine des Sports Équestres (FRMSE) porte ses fruits. «C’est un grand président de la FRMSE» assure Abdeslam avec beaucoup de respect dans la voix. «En fait, c’est un très grand manager qui possède une vision extraordinaire du développement de notre sport pour les dix prochaines années. C’est son ouverture vers l’international, sa gestion et sa stratégie qui font la différence et nous permettent de grandir. En plus, il faut tenir compte qu’il n’est président que depuis trois ans. J’ai été témoin des trois dernières années mais aussi des quinze précédentes. En trois ans, on a réussi à faire ce qu’on n’avait pas fait en quinze ans. Et si on n’avait rien changé dans notre politique, on ne l’aurait pas fait dans les trente prochaines années.»

Impossible de citer toutes les vertus cardinales de la stratégie du?Prince Moulay Abdellah. Abdeslam Bennani Smirès pointe l’encadrement sportif. «La FRMSE a recruté deux experts, Philippe Rozier et Olivier Desutter» se félicite-t-il. «Philippe est encore cavalier. c’est une chance. On est la seule équipe au monde à posséder un entraîneur qui évolue encore dans l’élite. Quand il est arrivé, je trouvais sa présence incroyable. Juste faire un stage avec Philippe Rozier aurait été un rêve. C’était une référence pour moi, une star. On le voyait à la télé. Je l’imaginais inaccessible. Et c’est devenu notre coach...»

Un entraîneur dont la première décision, au début de l’année 2012, a été de faire table rase du passé pour repartir sur de nouvelles bases. «Il a décidé de rencontrer tous les cavaliers marocains intéressés par le haut niveau et de leur faire passer un test» explique Abdeslam. «Il ne voulait pas être enfermé dans une sorte de casting des anciens cavaliers fédéraux. Il suffisait de venir avec ou sans son cheval pour avoir sa chance.»

Abdeslam ne manque pas de saisir la sienne. Il fait partie des dix cavaliers sélectionnés par Philippe Rozier sur la cinquantaine observée. Le jeune diplômé de Lausanne est le seul non professionnel de la liste communiquée par le fils de Marcel Rozier. «J’étais flatté et surtout très surpris» avoue Abdeslam. «Philippe m’a précisé que j’avais du talent et une base mentale très intéressante. Je ne l’ai pas forcément cru tout de suite mais je me suis dit pourquoi, après tout... En fait, il préférait lancer des nouveaux jeunes plutôt que des cavaliers plus chevronnés mais avec de mauvaises habitudes.»

A l’évidence, Philippe Rozier mise sur la création d’un mini-centre de formation, stratégie maintes fois éprouvée. Abdeslam ne s’en plaint pas. Il fait naturellement partie du groupe des cavaliers que Philippe Rozier convoque pour un stage en Espagne. Il ne traverse pas seul le Détroit de Gilbraltar: il fait la route avec son nouveau cheval, Mowgli des Plains, qui avait déjà eu ses heures de gloire avec le cavalier Patrice Planchat.

Pour Abdeslam Bennani Smirès , ce n’est pas encore la consécration, mais ça y ressemble franchement. Quand il participe au Sunshine Tour, à Jerez de la Frontera, en clôture du premier stage national mené par Philippe Rozier, il n’avait encore jamais participé à une épreuve de Grand-Prix. «J’étais totalement novice et ça a créé beaucoup de jalousie et d’animosité» avoue-t-il. «Mais ça fait partie du sport de haut niveau. Si je n’étais pas capable de gérer ça, je n’avais rien à faire avec des champions.» Son seul talent n’est pas que mental. Lors du Sunshine Tour, où il concourt pour la première fois avec des barres de 1m45, Abdeslam Bennani Smirès est seulement devancé par... Kebir Ouaddar. «Mowgli des Plains a été mon professeur» lance-t-il. «Il m’a apporté toute son expérience. On a vite formé un vrai couple.»

Il serait plus juste de parler de trio entre Abdeslam, Mowgli et Philippe d’autant plus fusionnel qu’Abdeslam prend la première décision importante de ses jeunes années d’adulte. Il quitte le Maroc pour se consacrer à sa passion équine, à Bois-le-Roi, en région parisienne, chez la famille Rozier. «Je ne regrette pas une seule seconde» prévient-il. «La décision était d’autant plus difficile à prendre que mes parents étaient clairement opposés à cette idée.» Pour son père Abderrahmane, homme d’affaires reconnu et respecté qui fut Président de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) de 1988 à 1994, la pilule ne passe pas.

Abdeslam doit faire beaucoup de pédagogie, jouer sur la corde sensible et trouver des trésors d’arguments. «Finalement, je l’ai convaincu et il m’a même encouragé à aller au bout de mes rêves, peut-être au bout d’un certain égoïsme. Je venais de réaliser le projet de l’Hôtel Selman que j’ai fait de A à Z. J’étais complètement cramé. Il n’y a pas que le business dans la vie. Cette expérience m’a fait avancer au niveau de la force mentale, de la confiance en moi dans des proportions qu’on ne peut pas imaginer. Je suis revenu plus fort. Je me suis enrichi humainement. J’ai fait la rencontre de personnes exceptionnelles. Aujourd’hui, j’ai plus de crédibilité pour motiver, drainer, convaincre mes équipes. Dans toutes les formations professionnelles de cadres auxquelles j’ai participé, on faisait le parallèle entre le businessman et le sportif de haut niveau. Ce n’est pas un hasard.»

Il n’y a pas davantage de hasard au niveau sportif. Les retombées sont plus palpables. Elles sont même assez exceptionnelles. Presqu’un an, seulement, après son premier stage auprès de Philippe Rozier, Abdeslam Bennani Smirès obtient sa qualification pour les Jeux Équestres Mondiaux, de Caen. «Après ce premier stage, personne n’aurait pu imaginer un tel scénario possible» lance Abdeslam. La question de son retour au Maroc ne se pose même pas. La réponse est une évidence. Il rempile pour une année, à Bois-le-Roi, chez les Rozier, pour préparer la grande messe mondiale de l’équitation.

Sa progression est vertigineuse. Le 5 décembre 2013, Abdeslam Bennani Smirès prend la troisième place du Prestige Trophy (CSI 2*), lors de la 5e édition du Gucci Paris Masters. Nelson Pessoa, l’immense star brésilienne de l’équitation mondiale, est sous le charme. «Il est venu me féliciter, je n’oublierai jamais ce moment-là» confie-t-il. Le 12 juin 2014, deux mois avant les Jeux Mondiaux, Abdeslam Bennani Smirès va encore plus haut. Il remporte le Prix E.Leclerc de sauts d'obstacles, comptant pour le Global Champions Tour de Cannes, une des épreuves les plus prestigieuses au monde.

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Placé comme un supplément à la fin du magazine Clin d’œil, le magazine Cheval du Maroc est un rendez-vous incontournable pour les amoureux du cheval et permet, aux non initiés de découvrir la filière équine aux multiples facettes. Il participe, également, à la création d’un lien social entre les différents intervenants du monde du cheval au Royaume. Entre les courses hippiques, le développement du cheval barbe, l’utilisation traditionnelle et moderne du cheval, l’élevage équin, le Salon du Cheval d’El Jadida, le sport équestre, les métiers du cheval ou les cartes postales du cavalier marocain Kebir Ouaddar, les intérêts de lecture ne manquent pas. 

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